Un silence d'état

   
   


 

Un silence d'état
par

Jean Jacques Jordi

   
           
     

Ecrire scientifiquement sur les Disparus civils européens pendant la guerre d'Algérie, c'est lever le dernier tabou de la guerre d'Algérie.
C'est dire ce que nous ne voulons pas entendre depuis près d'un demi-siècle : il y a eu beaucoup plus d'Européens enlevés et dont nous n'avons aujourd'hui aucune " trace " après les Accords d'Evian et après l'indépendance de l'Algérie qu'en " pleine guerre " ! C'est dire aussi que le FLN (Front de libération nationale) et l'ALN (Armée de libération nationale) ont été les principaux acteurs de ces " disparitions " et qu'à aucun moment, leurs dirigeants n'ont désavoué ces pratiques.
Le but de faire partir les Français d'Algérie fut finalement atteint par la terreur instituée par le FLN. C'est dire enfin que le gouvernement français était parfaitement au courant des exactions perpétrées contre ses ressortissants sans intervenir autrement que par de vaines protestations. Par cette étude, le manichéisme issu de la guerre d'Algérie, entre les " bons " d'un côté et les "mauvais " de l'autre, n'a plus cours.
L'analyse de cet ouvrage permet de redonner une histoire à des personnes, à des familles qui en étaient privées. Approcher cette histoire était toute l'ambition de cette recherche novatrice.

  • QU'EST-CE QU'UN DISPARU DANS LA GUERRE D'ALGERIE ?
  • ENLEVEMENTS ET DISPARITIONS DE 1955 AUX ACCORDS D'EVIAN
  • DES ACCORDS D'EVIAN A L'INDEPENDANCE
  • BARBOUZES ET MISSION "C", ENTRE FANTASMES ET REALITE
  • L'IMPUISSANCE DES COMMISSIONS MIXTES
  • ORAN : 26 JUIN - 8 JUILLET 1962
  • DE L'INDEPENDANCE A LA FIN 1962
  • L'INSTAURATION DU SILENCE
  • UN SILENCE EBRANLE PUIS LEVE
   

(© Bab el oued Story 2011)

Titre : Un silence d'état
Auteur : Jean-Jacques Jordi
Editeur : SOTECA
Collection : 14-18 éditions
Genre : Algérie
Date de parution : 18 octobre 2011
ISBN : 978-2-916385-56-3
EAN13 : 9782916385563
Code éditeur : inconnu
Prix : 25 €
Nombre de pages : 200
Dimensions : 15cm x 23cm x 1,6cm


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L'auteur en quelques mots...
Jean-Jacques Jordi est docteur en histoire, et spécialiste de l'histoire des migrations en Méditerranée aux XIXe et XXe siècles, de l'Algérie, des colonisations et des décolonisations et de Marseille.
Il a publié et dirigé plusieurs ouvrages et articles de référence sur les migrations méditerranéennes passant des migrations espagnoles aux migrations venant d'Algérie, publiant aussi sur les Harkis et les Pieds-Noirs.
 
 

Jean-jacques Jordi. Un silence d’Etat.
Les disparus civils européens de la guerre d’Algérie.


Soteca 2011, 200 pages, 25 € .

La reconnaissance des disparitions d’Européens lors de la guerre d’Algérie est restée en France un secret d’Etat pendant plus de 40 ans ; elle fait toujours l’objet d’un déni de la part des Algériens. Une première recherche scientifique a été engagée en 2004 par une équipe constituée par la Mission interministérielle aux rapatriés (MIR), en coopération avec le Haut Conseil des Rapatriés et la Direction des archives diplomatiques. Le rapport de cette équipe, en novembre 2006, concluait à la disparition d’environ 2000 Français d’Algérie dont 320 avant le cessez-le-feu 1. Mais ce total comprenait 535 personnes au sort incertain.

L’auteur est donc parti de ce résultat et a conduit une recherche approfondie dans des fonds d’archives, autres que diplomatiques, qui n’avaient pas été consultés : les Centres des archives nationales, contemporaines, militaires, d’outremer, de la Croix-Rouge, et surtout du Service central des Rapatriés. La consultation de 12.000 dossiers lui a permis de réduire les cas incertains à 170, et de publier les listes - des présumés décédés (1.583 dont 145 Musulmans) - des cas incertains - des personnes dont le corps a été retrouvé (123). En outre 349 faux disparus sont rentrés en France et 84 militaires ont été inscrits au mémorial du quai Branly. La répartition des disparus est précisée par année, mois de 1962 et par département : 40% ont eu lieu à Alger et 35% à Oran ( 679 Oranais du 26 juin au 10 juillet 1962). Des charniers sont découverts près d’Alger, et des lieux de détention connus ; des témoignages précis confirment la réalité des enlèvements de familles entières. Il apparaît enfin que 900 noms ont été gravés par erreur sur le mur des disparus édifié à Perpignan.

Ce travail considérable met en évidence et confirme des faits historiques qui sont contestés par des historiens inspirés par une vision manichéenne du bon et du mauvais combat. En voici quelques-uns :

- le terrorisme du FLN-ALN a été beaucoup plus meurtrier que celui de l’OAS ; dès 1955, il visait à l’extermination de tous les Français d’Algérie, préconisait la mutilation des corps et éliminait en masse les Français-Musulmans loyaux,

- les disparitions forcées sont considérées par l’ONU comme des crimes contre l’humanité,

or les auteurs d’enlèvement n’ont jamais été condamnés (cas de Attou à Oran),

- réagissant à la violence des nationalistes, les Français d’Algérie se sont repliés dans les villes, ont riposté aux attentats par des ratonnades et ont soutenu l’OAS ; le commandant Azzedine confirme que leur exode massif est la conséquence des enlèvements.

- les accords d’Evian n’ont pas été respectés par le FLN, dont les dirigeants se déchirent pendant tout l’été 1962, ce qui a facilité les exactions et les sévices,

- les directives de non-intervention militaire du Premier ministre confirment les décisions gaullistes au Comité des Affaires algériennes (20 décembre 1961, 27 février et 23 juin 1962) ; le général Katz prétend ne pas avoir de consignes, alors que les directives du général Fourquet (19 et 27 juin) sont très claires ; le 5 juillet à Oran, les interventions militaires ont été plus nombreuses qu’on le dit,

- la majorité des enlevés ont été torturés, et certains vidés de leurs sang (confirmation de Gregor Mathias).

La recherche historique progresse ; il faut faire confiance aux historiens qui tels que Jordi, sont attachés à la réalité des faits.

Maurice Faivre, le 31 octobre 2011.

(1) Les listes publiées par les Affaires étrangères de 2004 à 2007 indiquaient des données légèrement différentes.

 

Jean - Jacques Jordi : Un silence d'état


DU NOUVEAU SUR LES EUROPEENS DISPARUS A LA FIN DE LA GUERRE D'ALGERIE.

Par Jean MONNERET.

Durant un demi-siècle,le problème des civils européens enlevés par le FLN et jamais retrouvés pour un grand nombre,fut singulièrement occulté. Officiellement ,on s'en tint à un chiffre donné en 1964 au Sénat: 3018.La répartition des victimes en personnes enlevées, libérées, présumées décédées et cas incertains ne fut guère remise en cause. A partir de 1965 ,le silence des médias à ce sujet se fit assourdissant. Les Français disparus furent oubliés tandis que la France prit l'étrange habitude de réserver ses hommages aux victimes de l'autre camp , les pro-indépendantistes. (Particulièrement à Paris sous l'égide de la Mairie socialiste.) Dans le milieu des Français d'Algérie, on chercha à lutter contre l'oubli. Hélas, des chiffres hyperboliques furent brandis au mépris de toute rigueur historique.*2 . La cause des victimes du FLN risqua d'en être dépréciée , d'autant que des thèses complotardes fumeuses se répandaient aussi.Désormais,la communauté des Historiens comme les Pieds Noirs et les familles concernées disposent d'une étude de qualité , menée selon la méthode historique. Jean-Jacques Jordi a fait des recherches poussées en de nombreux fonds d'archives. Citons: le Service Historique de la Défense,le Centre des Archives Diplomatiques,les Archives Nationales d'Outre-Mer, le Centre des Archives Contemporaines, le Centre Historique des Archives Nationales , celles de la Croix Rouge, du Service Central des Rapatriés etc;...L'auteur a ainsi apporté une contribution neuve au problème des disparus européens. Il a attaqué de front l'obstacle des 500 dossiers demeurés incertains qui gênait l'obtention de chiffres crédibles.
Sur ce point,en 2004 , nous avions nous même,ainsi que le général Faivre attiré, l'attention de la Mission aux Rapatriés sur la nécessité d'une étude exhaustive . Il fallut attendre quatre ans pour qu'elle se dessinât . En accédant aux dossiers du Service Central des Rapatriés, Jordi a pu savoir qui parmi les incertains était réellement disparu ou entré en France métropolitaine. On y voit actuellement plus clair.Qu'il s'agisse du massacre du 5 juillet 62 à Oran(où l'auteur confirme la responsabilité et les mensonges du général Katz ,comme la criminelle ineptie des directives données à l'Armée française ) ,qu'il s'agisse des exactions de l'été 62 dues à la wilaya 4 (où le FLN préférait enlever des familles entières pour limiter les plaintes ), Jordi a montré une solide rigueur. Il éclaire la pratique du nettoyage ethnique par les indépendantistes. Or , il le fait, documents à l'appui , en prenant ses distances avec quelques légendes aussi tenaces qu'absurdes . Son livre est peu réfutable. Il sera plus difficile désormais aux thuriféraires du FLN et aux journalistes sous influence de nier des faits qui les dérangent. On peut regretter que Jordi paraisse sous-estimer les divisions du FLN et les surenchères xénophobes qu'elles alimentèrent .Félicitons le toutefois d'avoir laissé de côté quelques récits controuvés et extravagants.*3 Cet ouvrage,cette étude méticuleuse manquaient. Il serait regrettable qu'ici et là,certains négligent l'atout que , dans sa percutante sobriété, il constitue pour les familles touchées et pour l' Histoire.

1*. Jean-Jacques Jordi . Un silence d'état. Ed. SOTECA.Les enlèvements d'Européens ont décuplé aprés le "cessez-le-feu " du 19/3 / 1962L'auteur dénombre 1583 disparus présumes décédés , 123 enlevés dont on a retrouvé les corps et 171 cas incertains résiduels. Selon nous,il eût fallu comptabiliser les personnes libérées ou retrouvées.
2*Il arriva qu'un scribe du Ministère des Rapatriés répondit par erreur : 25.000 à une question sur le chiffre des disparus européens.Il confondait avec celui des militaires français tués au combat.Ceci occasionna ultérieurement quelques bévues.
3*. En juillet 1962 , depuis Alger ,Max Clos du Figaro , dénonça courageusement les enlèvements massifs d'Européens.Il ajoutait :" Sur les chiffres , on ne sait rien de sûr.Tout dans ce pays est déformé et amplifié dans des proportions fantastiques. " Voila qui a changé désormais.


Les disparus civils européens en Algérie, 1954-1963


Roger VÉTILLARD


Il s'agit d'un sujet très sensible. Les recherches sur les disparus européens de la guerre d'Algérie n'ont pas été rares. Mais elles ont toujours été approximatives faute de pouvoir recourir aux documents et archives mises à part celles de Jean Monneret qui a pu en utiliser quelques-unes.
La plupart de ces recherches n'ont utilisé que des témoignages parfois imprécis, parfois convergents mais critiquables car difficilement vérifiables. Et en la matière quand on ne sait pas tout, la tendance est à l'exagération ou à la récusation, selon le côté où l'on se situe.
Le travail de Jean-Jacques Jordi, historien universitaire spécialiste de l'Algérie, vient combler les incertitudes. Il a pu – enfin, avec un demi-siècle de retard – accéder aux archives du Comité International de la Croix Rouge, des ANOM, du CHAN–CARAN, du Ministère des Affaires Étrangères, du CAC de Fontainebleau, du SHD, du Cabinet Militaire de la délégation générale du gouvernement en Algérie et du Service Central des Rapatriés. La consultation de la quasi-totalité de ces archives reste soumise à autorisation dérogatoire. Il a ainsi pu consulter près de 12 000 dossiers.


Des révélations impressionnantes


Ce qui est révélé dans ce livre est saisissant. Ce que beaucoup d'Européens d'Algérie affirmaient pour l'avoir vécu est ici confirmé par les archives, rapports, références précises et témoignages. L'enquête est très transparente. Rien n'est avancé sans que la source, toujours vérifiable, ne soit précisée. C'est un travail d'histoire scientifique qui ne peut être contesté. Mais peut-être sera-t-il occulté, ignoré et escamoté ?
Ainsi est-il affirmé, preuves à l'appui, qu'au moins 1583 personnes dont l'état-civil est précisé sont présumées décédées, que le sort de 171 autres personnes est incertain et que les corps de 123 autres personnes ont été retrouvés. Ainsi donc, il n'est plus possible de dire que moins de 1877 personnes sont concernées par ces disparitions.
Et qui dit disparition veut parler des personnes victimes d'un enlèvement, c'est-à-dire d'une mise au secret, d'une privation de liberté avec une dénégation complète des responsables de l'enlèvement et une dissimulation du sort réservé à la personne disparue. On ne parle pas ici des personnes dont le corps a été retrouvé ou qui ont été tuées sans être enlevées.
Et pourtant les archives confirment que les autorités françaises savaient que des Européens étaient disparus, que bien souvent elles connaissaient les ravisseurs, les lieux de détention et qu'elles ont toujours refusé d'intervenir en particulier après le 19 mars 1962 période où se situe la plupart des enlèvements et même quand il s'agissait encore d'un territoire où les forces de l'ordre françaises pouvaient intervenir sans difficultés.
Elles savaient que ces personnes enlevées subissaient des sévices corporels importants, qu'elles étaient parfois, donneurs de sang forcés, saignées à blanc jusqu'à ce que mort s'ensuive, qu'elles étaient torturées puis exécutées, que les femmes étaient violées et parfois enfermées dans des bordels. Dès lors les autorités militaires et civiles françaises peuvent être accusées de non assistance à personne en danger et on peut affirmer que ces exactions de l'ALN envers les Européens d'Algérie sont également des crimes contre l'humanité (Commission de droit international - 1995- vol. II -2ème partie). Et leurs auteurs parfois parfaitement identifiés (par exemple Attou à Oran) ne sont jamais inquiétés.


Une épuration ethnique


Il faut rappeler que sous couvert de lutte contre l'OAS, c'est en fait à une épuration ethnique que nous avons assisté en Algérie sur un mode "mineur" avant la signature des accords d'Evian (il s'agit de 320 personnes) , d'une façon méthodique après le 19 mars 1962 (cela concerne près de 3000 personnes) avec parfois le concours de l'administration française ou des "barbouzes" qui n'hésitaient pas à livrer des pieds-noirs au FLN, voire même à remettre à l'ALN des personnes qui avaient réussi à échapper à leurs agresseurs et qui croyaient naïvement que demander la protection de la gendarmerie française leur épargnerait d'être renvoyés vers leurs tortionnaires.
Les noms de ces Français coupables qui ont laissé faire ce massacre sont cités de Fouchet à Katz, de Lemarchand à Louis Joxe… Les archives du CICR et les autres sont éloquentes sur ce sujet. En effet à partir du cessez-le-feu l'ennemi en Algérie pour l'armée et la gendarmerie c'est l'OAS. Et comme les Européens sont réputés dans leur grande majorité être favorables à cette organisation clandestine, ils deviennent tous présumés coupables d'assistance à organisation terroriste. Et une justice immanente est dès lors légitimée.


Faire fuir le Français d'Algérie par la terreur


Les exactions algériennes se sont poursuivies plusieurs mois après l'indépendance. On en recense 1128 entre le 19 mars et le 1er juillet 1962, 1849 au cours du second semestre de cette année 1962, 367 entre le 1er janvier le 30 septembre 1963. Il est désormais difficile de continuer à soutenir que la guerre d'Algérie a pris fin le 19 mars 1962 et il est impossible d'affirmer que le déchaînement de violence, fin 1961 - début 1962, venait essentiellement de l’OAS, comme le soutient Pierre Daum. Car la stratégie, des commandos du FLN est claire : faire fuir le Français d'Algérie par la terreur.
L'auteur s'attarde 34 pages durant sur les massacres survenus à Oran en juin et Juillet 1962. Ici les documents parlent. Il n'est nul besoin de les commenter ; ils accablent le général Katz en dépit des interventions de plusieurs officiers qui ont bravé les interdits de leur hiérarchie. Un général Katz à la mémoire défaillante dans le livre qu'il a publié en 1992 où il contredit ses propres rapports dans cet ouvrage qu'il a osé intituler L'Honneur d'un Général !
Il faut lire cet ouvrage de Jean-Jacques Jordi. Il qui se situe bien au-delà de ce que beaucoup imaginaient et il est écrit par un historien rigoureux et averti qui parait surpris par ce qu'il a découvert. Alors Silence d'État ou Scandales d'États ?
Il reste à écrire au moins trois autres études du même calibre concernant les militaires, les civils musulmans et les harkis disparus.

Roger Vétillard historien

Jean-Jacques Jordi, Un silence d'État – Les disparus européens de la guerre d'Algérie, SOTECA éd. St Cloud, 2011 – 200 p - ISBN 978 2 9163 8556 3

 
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